Depuis un an, les biologistes travaillent au cœur de la pandémie. Entretien avec Richard Fabre, président de l’URPS biologistes.
Comment allez-vous, dans ce long moment, et comment va la profession ?
Personnellement je vais bien, j’ai réussi à échapper au Covid ! Je fais partie des professionnels vaccinés avec deux injections ! Mais je reste toujours prudent.
D’un point de vue professionnel, comme tous les français, on commence à être lassés par cette séquence, qui dure depuis un an pour le moins… On reste mobilisé, mais fatigués et avec le sentiment qu’on est perpétuellement au pied du mur… Quand on a passé la crise de septembre, le post premier confinement, on a vu arriver la montée du deuxième confinement, etc. Quand on a réussi à résoudre la crise, les délais d’analyses, etc. on s’est retrouvé avec les variants… On a l’impression de courir après le virus qui est toujours plus intelligent que nous…
Vous avez une profession particulière : biologiste. Comment vous organisez-vous en tant que professionnel pour accompagner les besoins de la population sur le territoire dont vous avez la charge ?
Les laboratoires, ont une organisation en étoile, avec un plateau technique central – qui gère d’une dizaine à quelquefois une cinquantaine de sites périphériques – où les biologistes et leurs collaborateurs sont en contact et à proximité des patients. On a une double activité. D’un côté, au niveau des sites de prélèvements, on a la lourde charge d’assurer les prélèvements massifs des concitoyens, de nos patients en prélèvement nasopharyngé ou autres. Et ensuite d’assurer la logistique sur nos plateaux techniques, où nos confrères doivent gérer des masses considérables d’analyses. Pour vous dire, un plateau technique d’un laboratoire comme le mien fait 4 000 à 5 000 analyses de Covid par jour ! Bien évidemment en plus de l’activité ordinaire ! Donc vous imaginez bien les adaptations considérables que cela nous a imposé !
Nos laboratoires, depuis la crise Covid, fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Avec évidemment des biologistes qui valident, tard dans la nuit ou tôt le matin, puisque nous avons nos contraintes logistiques et nos contraintes de temps et que chaque activité des laboratoires est enregistrée : on sait à quelle heure on prélève, qui on prélève, à quelle heure on aura le résultat, quand c’est validé, etc. Et la facturation est dépendante de tous ces timings. Donc ça veut dire que tous les jours, tout le temps, nos laboratoires sont sous pression. Et nos collaborateurs aussi.
Que vous permet l’organisation en URPS ?
L’URPS, au travers de cette crise a véritablement trouvé – je ne dirais pas qu’elle a trouvé sa place parce qu’elle l’avait déjà – mais la crise a démontré et a renforcé son utilité. Le rôle de l’URPS est vraiment d’être le représentant officiel des biologistes de la région face à l’ARS (l’Agence régionale de santé). C’est sa fonction première. Mais dans la crise Covid, il y a d’autres intervenants qui sont arrivés, à commencer par l’hôpital public. Et il a fallu se caler : biologie hospitalière / biologie privée.
Egalement la préfecture, qui a un rôle éminent dans la gestion de la crise : je suis en relation directe avec elle. Sans oublier le rectorat, pour tout ce qui est prélèvement dans les écoles.
Donc, le rôle de l’URPS, c’est vraiment de caler aussi bien sur les plans pratiques, logistiques, que sur les plans politiques : caler le fonctionnement de la biologie avec les tutelles, mais également avec nos confrères des autres UPRS. Et nous nous calons par rapport aux médecins, aux infirmiers, aux pharmaciens et à toutes les autres professions (kinésithérapeutes, podologues, etc.) et qui réglons les interfaces entre nos professions ; jusqu’aux petites frictions qu’il peut y avoir, en toute confraternité ! Donc l’URPS joue vraiment un rôle d’intermédiation qui apparaît, je crois, comme essentiel pour le paysage régional.
Comment l’améliorer, à votre avis ?
Pour nous, l’URPS des biologistes, qui sommes une petite URPS – non pas par l’importance de notre métier est central, chacun le sait ! – mais petite, dans le sens où nous avons assez peu de professionnels. Malgré tout, nous pesons très lourd en termes d’emploi, très lourd en termes d’activité. L’URPS, c’est un géant qui s’ignore ! Et c’est vrai qu’on a un budget qui est relativement modeste par rapport à notre profession et à ses besoins. Aujourd’hui, nous avons besoin de collaborateurs, de collaboratrices. On fonctionne quand même grâce à la générosité de nos confrères… Donc, je pense que si nous avions davantage de moyens alloués, cela nous permettrait de développer plus d’actions, car vraiment, nous sommes sollicités ! Aujourd’hui c’est le Covid, mais il y a la prévention, il y a l’informatisation du système de santé, il y a les CPTS, et j’en passe ! Tous les jours, ma collaboratrice, moi-même et mes confrères sommes débordés !